CHAPITRE XXIX

Harrar maudit le jour où on l’avait envoyé sur Obroa-skai. Au centre de la baie du vaisseau du prêtre, la planète était entourée de nuages gris. Lassé de la vue, Harrar cherchait une explication à l’échec probable du plan qu’il avait mis sur pied avec Nom Anor.

— En ce moment, Votre Excellence, nous ignorons si Elan et Vergere sont en captivité, disparues…

— … Ou mortes, acheva le commandant Tla.

Harrar se demanda si son villip imitait correctement sa grimace de dégoût à l’attention de ceux qui écoutaient son rapport : le haut prêtre Jakan, le père d’Elan et le chef de leur domaine, le conseiller du seigneur suprême Shimrra, Nas Choka, le commandant suprême du vaisseau amiral de la flotte yuuzhan vong et le préfet Drathul, l’administrateur du vaisseau-monde Harla. Placés entre Harrar et la vue de la planète, leurs villips respectifs trônaient sur des supports en forme de coupe.

Jakan répondit à la remarque de Tla.

— Pourquoi incluez-vous la mort dans la liste des possibilités, commandant ?

En dépit de son aspect impressionnant, le villip ne rendait pas justice au physique du haut prêtre, avec son visage reformé, son moignon de nez et ses yeux profondément enfoncés.

Tla se tourna vers un villip de transmission.

— Malgré nos tirs, le vaisseau de la Nouvelle Republique se dirigeait vers nous, décidé à nous rendre la prêtresse et Vergere. Les infidèles ont dû comprendre que nous avions empêché la navette de repartir, et qu’Elan avait tué son équipage. Juste avant de changer de cap et de fuir, le vaisseau a éjecté une nacelle d’évacuation, mais Nom Anor n’a pas réussi à l’intercepter. Nom Anor ne dit mot.

— Vous avez essayé de la récupérer ? demanda Jakan.

— Oui, Votre Excellence, reconnut Nom Anor.

— Même en sachant que vous anéantiriez le plan d’Harrar ?

Nom Anor hocha la tête.

Le villip du commandant suprême Choka prit la parole.

— Si j’ai bien compris, commandant Ha, votre rôle consistait à laisser gagner la Nouvelle République, afin qu’Elan soit accueillie favorablement. Mais à quel prix ?

— C’était une entreprise coûteuse, commandant suprême, admit le tacticien Raff. Beaucoup de coraux skippers ont été sacrifiés, et plusieurs petits vaisseaux détruits. Si nos ressources étaient à leur niveau optimal, ces pertes seraient insignifiantes. Mais Belkadan et Sernpidal sont surchargées, et la fourniture de vaisseaux a ralenti. Pour continuer à assurer des défenses adéquates, nous devrons changer notre couloir d’invasion et refaire le plein de ressources en préparant d’autres mondes à la production de corail yorik.

Raff désigna Nom Anor.

— L’Exécuteur nous a assuré que nous recevrions un excellent accueil dans un secteur proche : l’espace des Hutts. L’espèce dominante, les Hutts, n’a aucune envie d’entrer en guerre contre nous.

— Nom Anor assure…, répéta Choka, méprisant. Continuez, tacticien.

— Dernièrement, l’armée de la Nouvelle République a déployé ses forces pour protéger le Noyau, peut-être dans le but de monter une contre-offensive. Nous avons les moyens de repousser une attaque. Mais l’ennemi a appris à tromper nos basals dovin.

— Je reviendrai bientôt de nos chantiers navals de Sernpidal avec un jeune yammosk et des renforts, dit Choka. En attendant, que la flotte aille dans l’espace des Hutts, sous le commandement de Malik Carr.

Carr avança et salua.

— Le commandant Tla et le prêtre Harrar sont rappelés immédiatement dans la Bordure Extérieure.

Tla et Harrar restèrent silencieux. Le troisième villip, celui du préfet Drathul, prit la parole :

— Je désire parler en privé à Nom Anor.

Quand les autres eurent quitté le centre de commandement, le préfet prit une expression menaçante.

— Qu’est-il arrivé exactement, Exécuteur ?

Nom Anor gesticula.

— Le blâme revient à Harrar et Elan. Ils n’ont pas eu le talent d’improviser…

— Les Jedi ont-ils ruiné nos plans ?

— C’est possible.

Le villip de Drathul hocha la tête.

— On m’a rapporté que certains de vos agents étaient responsables des problèmes.

— Ils essayaient de protéger nos intérêts.

— Dans votre intérêt, j’espère que c’est vrai. Après le désastre de la garde prétorienne, dans le système d’Helska, le maître de guerre Tsavong Lah n’acceptera pas d’autres erreurs de votre part.

— Je comprends, préfet. J’ai un nouveau plan, que j’ai l’intention de mettre à exécution dès que notre flotte aura atteint l’espace des Hutts.

— Ne me décevez pas.

— Comptez sur moi. Par ailleurs, nous avons un nouvel allié sur Coruscant. Nous ignorons son identité pour le moment, mais il occupe un poste important dans la division des Renseignements ou du commandement militaire. Il nous a contactés par l’intermédiaire de mes agents.

— Intéressant, concéda Drathul. Percez son identité à jour.

— Je m’en occupe.

— Une dernière question, Exécuteur : avons-nous sous-estimé les infidèles ?

Nom Anor ricana.

— Ils ont seulement eu de la chance !

— Nous avons eu de la veine, dit Droma, perché au sommet du Faucon. Quelques brûlures mineures autour des tuyères… Rien qu’un peu de peinture ne puisse arranger.

— Plus tard ! dit Yan, campé sur le pont du hangar d’amarrage 3733. D’ailleurs, j’aime qu’il soit un peu égratigné !

Le Faucon était connecté à des moniteurs, des unités de pressurisation et des réservoirs de liquide de refroidissement et de carburant. Yan et Droma avaient passé deux jours en réparations, puis à contrôler le bon état de marche du vaisseau. Droma s’était montré un mécanicien de niveau convenable, même s’il était plus doué pour résoudre intuitivement des problèmes que pour manier une clé hydraulique ou des macrofuseurs.

— Somme toute, un coup de pinceau ne serait peut-être pas de trop, reconnut Yan. Après Bilbringi, les images du Faucon doivent circuler à bord des vaisseaux yuuzhan vong !

— A condition que la peinture soit plus réussie que votre barbe, le taquina Droma.

Yan se passa une main sur le menton.

— A propos de désastres pileux, si votre moustache pousse encore, vous finirez par trébucher dessus…

— Qu’y a-t-il ?

Yan réprima un sourire.

— Rien. Si vous déconnectiez tout le bazar qui nous retient au sol pendant que je chauffe les moteurs ?

— Ça me va…

— Dans ce cas, nous serons bientôt prêts à partir.

— Leia viendra-t-elle ?

— J’en doute.

— Dommage. Je voulais la saluer.

— La prochaine fois. S’il y en a une…, ajouta Yan à la hâte.

— Dites-lui adieu de ma part, quand vous la verrez.

Le Corellien fronça les sourcils.

— Je voulais seulement vous prévenir de ne pas vous sentir trop à l’aise sur le siège du copilote.

— Je n’oserais jamais !

— Tant qu’il est clair que notre arrangement est temporaire… Jusqu’à ce que nous retrouvions votre famille.

Droma sourit.

— Qu’est-il arrivé à la dette que vous aviez envers moi ?

— Ecoutez, mon gars, les humains ne croient pas aux dettes de vie ! Quand quelqu’un vous fait une faveur, vous la rendez, et l’ardoise est effacée. Je vous aiderai à retrouver votre clan, et ensuite, nous partirons chacun de notre côté. Pigé ?

— Au lieu de me laisser sillonner la galaxie avec vous dans cette relique ?

Yan renifla.

— Vous ne disiez pas ça quand nous étions aux trousses de Reck.

— J’étais poli. Je pensais que vous étiez le genre de type dont il ne fallait pas critiquer le vaisseau.

— Pour sûr…

Droma le brisa.

— Je vais m’occuper du « bazar ».

Il partit vers la poupe. Yan le rappela.